Le président du CSC, Rick Powers, dit oui aux Jeux olympiques de Tokyo

« Je veux être olympienne », écrit Madeleine Kelly, coureuse de demi-fond spécialiste du 800 mètres. « Mais à l’inverse, je ne veux pas contribuer à une crise de santé publique de taille olympique. »

Le Professeur Richard Powers, quant à lui, soutient que les Jeux de Tokyo ont été remis d’un an et qu’au cours de cette période, le monde du sport international a appris comment accueillir des événements de calibre mondial tout en assurant la santé des athlètes et du public.

OUI

Madeleine Kelly

Athlète

Tout petits, plusieurs d’entre nous rêvent de gloire olympique. J’étais l’une de ces enfants, grandissant dans une petite ville, qui partageaient ce rêve. Aujourd’hui adulte, je suis à quatre semaines de réaliser mon rêve. Je détiens présentement une place au 800 m pour les prochains Jeux olympiques. Le 30 juin, j’apprendrai si je représenterai le Canada à mes tous premiers Jeux olympiques cet été.

Au cours de ce cycle olympique, j’ai dû réconcilier ce rêve avec la réalité du monde dans lequel nous vivons actuellement. Ce fut très difficile.

Le 22 mars 2020, le Canada a pris la sage décision de retirer ses athlètes des Jeux de 2020. Dès le 12 avril, les Jeux avaient été remis à un an jour pour jour de leur date d’ouverture prévue. Les athlètes ont poussé un soupir de soulagement collectif. Il était amplement clair qu’une préparation adéquate serait impossible et que la tenue des Jeux ne serait ni sécuritaire, ni éthique. 

À l’approche de cette ouverture remise des Olympiques, jadis de 2021, des questions demeurent quant à l’éthique et la sécurité de ces Jeux. L’Inde, l’Afrique du Sud, le Vietnam et le Brésil sont aux prises avec des variantes agressives de la COVID-19, et dans certains cas, vivent une vague marquée par un nombre de cas record.

Dans la nation hôtesse du Japon, la distribution du vaccin gagne finalement du terrain. Mais leur lent démarrage fait que seulement 2,4 pourcent de sa population est entièrement vaccinée. Malgré les mesures prises pour que l’événement soit le plus sécuritaire possible, il sera impossible de ne garantir aucune transmission pendant les Jeux, ou après, lorsqu’approximativement 20 000 athlètes et personnel de soutien rentreront à la maison. 

Les questions sanitaires globales sont hautement débattues, et franchement, ces décisions relèvent de gens beaucoup plus puissants et instruits que moi. Mais ce que je peux partager, c’est ma perspective d’athlète dans le cadre de ma préparation pour ces Jeux.

À plusieurs moments au cours de ma préparation olympique, j’ai dû faire des choix contraires aux directives de la santé publique qui ont mis ma santé en danger – et dissimuler ces décisions afin de ne pas avoir à rendre des comptes.  

Je me suis rendue en Colombie-Britannique pendant un mois pour m’entraîner et compétitionner, où j’ai été confrontée aux frustrations valides des gens du coin. À moins de dix semaines avant la sélection de l’équipe et sans aucune course confirmée au Canada, je n’avais aucune autre option réaliste que de me rendre aux États-Unis pour compétitionner.

Je me suis retrouvée, non vaccinée, dans un aéroport bondé de la Caroline du Nord, avec une quarantaine de 14 jours qui m’attendait à mon retour à la maison. J’ai signé des renonciations qui me tenaient personnellement responsable de toute blessure ou maladie en cours de voyage. J’ai assumé, tout comme plusieurs de mes pairs, de très grands risques et un fardeau financier très lourd dans l’espoir de devenir une olympienne canadienne.

Notre gouvernement désire envoyer une équipe olympique à Tokyo mais, en même temps, n’a pas favorisé un environnement qui nous permettrait de s’y rendre. Mon organe directeur de sport s’est fait un porte-parole pour exempter les athlètes et le personnel de soutien de quarantaines à leur retour au Canada. Toutefois, on a déterminé que les espoirs olympiques étaient des travailleurs non essentiels et ainsi, n’étaient pas exempts. Ceci met donc la question critique en évidence : si nous ne sommes pas essentiels, pourquoi sommes-nous appelés à participer aux Olympiques pendant une crise de santé publique?     

L’un des contre-arguments populaires aux préoccupations de sécurité aux Jeux est que « le monde entier a besoin de réjouissance ». Mais même en tant qu’athlète qui espère désespérément devenir une olympienne, d’incarner cet espoir me lègue parfois un sentiment de vide et d’égoïsme.

Je veux être une olympienne mais je ne veux pas contribuer à une crise de santé publique de taille olympique. Cette réalisation pèse sur moi et mes adversaires et ternit chaque victoire ou succès personnel. Je crois que la portée de la COVID-19 est beaucoup plus grande que celle des Olympiques. Mais cette décision de tenir ces Jeux n’est pas celle des athlètes – elle n’a jamais été de notre ressort.

Donc nous nous sommes entraînés, nous avons risqué, nous avons travaillé fort et nous avons tenté de baisser la tête et de calmer nos inquiétudes personnelles et publiques. Aujourd’hui, nous sommes à quelques jours d’Olympiques que plusieurs croient n’auraient jamais dû avoir lieu, malgré que tout pointe à leur tenue imminente. 

La résolution de ces questions éthiques n’est nullement évidente. Toutefois, il devrait être amplement clair que de sérieuses discussions au sujet de la tenue de ces Jeux le mois prochain doivent se poursuivre et que le Japon, le pays hôte, doit possèder la voix prépondérante. J’espère me qualifier à cette équipe et réaliser mon rêve mais pas aux dépens de la santé des autres.

Madeleine Kelly est la championne nationale de 2019 au 800m et collaboratrice régulière du magazine Canadian Running.

NON

Richard Powers

Professeur

Les Jeux olympiques doivent avoir lieu tel que prévu cet été. Et soyons clairs, malgré les opposants et les inquiétudes exprimées, ces Jeux auront lieu et ils auront lieu dans un environnement axé sur la santé et la sécurité des athlètes, du personnel de soutien et des bénévoles.

Le Comité international Olympique (CIO), le Comité organisateur du Japon (JOC) et le gouvernement japonais reconnaissent qu’il entreprennent ici une tâche gigantesque. Ils seront prêts à la relever.

Personne n’aurait pu s’imaginer le contexte mondial actuel lorsque Tokyo s’est vu octroyer les Jeux d’été de 2020 le 7 septembre 2013. Après la remise des Jeux l’an dernier, le CIO et le JOC ont disposé d’une année additionnelle pour planifier la tenue des Jeux en temps de pandémie. Ils ont eu l’occasion d’apprendre d’autres ligues sportives et d’organisateurs qui ont su naviguer leurs compétitions avec succès, quoiqu’à une échelle réduite dans certaines circonstances.

Les ligues professionnelles de soccer d’Europe, celles de rugby et de cricket de l’hémisphère sud ainsi que la NBA, la LNH et la MLB en Amérique du Nord, ont toutes su s’adapter et se conformer aux stricts protocoles de santé et de sécurité nécessaires pour gérer leurs ligues et leurs compétitions.

En Amérique du Nord, nous avons constaté les résultats positifs des « bulles » de compétition et la volonté de tous les participants d’adhérer aux lignes directrices imposées par les professionnels de la santé et les gouvernements pour assurer des compétitions sécuritaires. Bien que nous ayons fait face à quelques pépins, ils ont été peu nombreux et la réaction d’une isolation immédiate a su limiter les effets et les transmissions des cas actifs.

Récemment, les membres de l’équipe canadienne de plongeon se sont rendus à Tokyo pour participer à une épreuve préolympique à la nouvelle installation olympique. Les règlements et l’horaire en vigueur, y compris un transport accompagné de l’hôtel à la piscine, la livraison privée de repas et les restrictions complètes d’excursions locales et de tourisme ont assuré que l’accent demeurait sur leur sécurité et sur la compétition. Il s’agira d’un environnement olympique très différent pour tous ceux qui y participeront mais cette expérience a su démontrer qu’il y a des manières d’accueillir ces Jeux de façon sécuritaire, malgré les circonstances de la crise sanitaire actuelle.   

Notre monde a été transformé au cours des 14 derniers mois et le désir de revenir à la normale est profond, alors que tout le monde tente de déterminer à quoi pourrait ressembler cette « normale ». Récemment, plusieurs gouvernements provinciaux du Canada prônent un retour aux activités d’affaires et récréatives au cours des prochains mois, beaucoup plus tôt qu’initialement planifié ou anticipé. L’horaire de vaccination accéléré a été l’un des principaux vecteurs de ces changements. L’environnement du village des athlètes de Tokyo bénéficiera d’efforts semblables : plus de 80 pourcent des athlètes auront été vaccinés.

Au cours de la dernière année, nous avons énormément appris pour gérer la pandémie. Le COC a fait ses devoirs et croit que les changements incorporés aux Jeux assureront un environnement compétitif sûr et appuie la présence des athlètes canadiens à Tokyo. Depuis de nombreuses années, les grandes missions sportives canadiennes disposent de plans d’urgence qui peuvent être activés dès qu’une menace est identifiée. Ces plans seront également en place à Tokyo.

Le monde a changé et il est probable que la COVID-19 nous accompagne encore pendant un certain temps. Après la COVID-19, quel sera le prochain virus ou pathogène qui  mettra notre volonté à l’épreuve? Nous ne pouvons nous plier au quoi et au comment – nous devons apprendre à gérer ces situations et à développer des moyens d’aller de l’avant malgré tout. 

Bien qu’il serait absurde de penser que tout se passera exactement comme prévu, nous pouvons être réconfortés par le fait que les Jeux de Tokyo seront les mieux organisés et les plus sécuritaires jamais planifiés. Grâce à la coopération des athlètes, des équipes, des officiels et des bénévoles, l’optimiste bat son comble que ces Jeux auront exactement le résultat prévu : de rassembler le monde entier pour célébrer les accomplissements des athlètes dans un environnement d’inclusion, de camaraderie et de respect et de partager le tout avec le monde entier.

Les Jeux de Tokyo auront lieu cet été, comme il se doit, et je suis moi-même impatient d’encourager nos athlètes canadiens alors qu’ils rivaliseront à nouveau sur la scène internationale.

Richard Powers est professeur agrégé de la Rotman School of Management de l’Université de Toronto. Il est aussi président de Commonwealth Sport Canada et membre du comité des candidatures du Comité olympique canadien.