Le Canada a offert un prétexte au CIO pour reporter les Jeux olympiques de Tokyo, par: Richard C. Powers

Thomas Bach, le président du Comité International Olympique (CIO), a reçu le cadeau qu’il espérait lorsque le Canada et l’Australie ont déclaré qu’ils n’enverraient pas d’athlètes aux Olympiques de Tokyo 2020, prévus pour cet été, mais maintenant remis jusqu’en 2021.

Jusqu’à ce moment-là, Bach avait évité tout prononcement relatif à l’annulation ou au report des Jeux, alors que la grande majorité des autres organisations sportives du monde entier avaient accepté qu’elles ne pouvaient opérer dans les conditions actuelles, causées par la crise de la COVID-19. Plutôt que de faire preuve du leadership afférent au poste, Bach tergiversait et, jusqu’à tout récemment, refusait catégoriquement de reconnaître que les Jeux étaient à risque. La mission du CIO - du « Sport au service de l’humanité » - semble avoir été mise de côté alors que les pays du monde entier sont aux prises avec les séquelles de la COVID-19 et les conséquences sérieuses qui ont affecté leurs populations.

Mais lorsque plusieurs pays, qui ensemble représentent près de 25 pour cent du total des médailles décernées aux derniers Olympiques d’été au Brésil, ont indiqué qu’ils n’enverraient pas d’athlètes ou plaidaient pour un report, il est devenu impossible d’ignorer la situation et de ne pas se prononcer de manière définitive. Le Canada a pris la bonne décision et a assumé un leadership qui était absent du CIO. Évidemment, Bach se trouvait entre l’arbre et l’écorce et la décision ne relevait pas exclusivement de lui – il devait convaincre une foule d’autres parties prenantes que le report des Jeux était la bonne décision à prendre dans les circonstances. Toutefois, il n’avait que peu d’autres choix en raison de l’ampleur de la pandémie actuelle. 

La décision de remettre les Jeux ne sera certes pas universellement applaudie. Plusieurs athlètes se sentent lésés et certains pourront manquer leur chance d’y participer puisqu’il faudra maintenir un niveau de performance de calibre mondial à l’entraînement pour au moins une autre année, sans compter le sacrifice financier exigé de plusieurs d’entre eux pour poursuivre l’entraînement. Il s’agit de préoccupations légitimes et nous compatissons avec eux. Toutefois, éviter la compétition à des Jeux assombris par le risque d’être infecté par un virus potentiellement mortel leur permettra au moins de demeurer en santé et de rivaliser dans le futur, s’ils le souhaitent. 

Un autre facteur qui a contribué à la décision de reporter les Jeux est le manque de préparation adéquate de nos athlètes (leurs sites d’entraînement étant fermés) et l’annulation de compétitions préparatoires pour leur qualification. Afin de sélectionner les athlètes pour les Jeux, les pays exigent typiquement l’atteinte de standards de qualification ou des résultats lors de compétitions conçues pour déterminer les meilleurs de chaque discipline. Toutefois, ces compétitions ont été annulées ou reportées : les organisations nationales de sport feraient face à un dilemme dans le cadre du processus de sélection si les Jeux avaient eu lieu. Un processus transparent et équitable est nécessaire et exige davantage de temps.

Environ 70 pour cent des revenus des Jeux proviennent de commandites et de droits de diffusion internationaux. Et pendant longtemps, le Japon a aussi obstinément maintenu que les Jeux auraient lieu, en dépit de la pandémie de la COVID-19. Ces deux facteurs expliquent décidemment la réticence du CIO dans leur prise de décision.

Personne au monde entier n’était en mesure de prédire la fin de cette crise mais le Japon et son comité organisateur s’obstinaient qu’elle se terminerait à temps pour la tenue des Jeux. Leur désir de protéger leur investissement et leurs profits était primordial. Bien qu’il aurait été raisonnable de protéger cet investissement dans des circonstances normales, la situation à laquelle nous faisons présentement face est loin d’être normale. Nous devrons maintenant attendre pour voir comment ils maintiendront cet investissement et recueilleront les profits anticipés lorsque les Jeux auront lieu.

Il est aussi très intéressant de noter qu’aucun des commanditaires olympiques principaux ont répondu aux demandes répétées d’un report des Jeux, suggérant à nouveau qu’ils valorisent leurs profits beaucoup plus que la sécurité des athlètes, officiels, bénévoles, spectateurs et même celle de leurs propres employés.

En bout de ligne, la bonne décision a été prise. Nous aurons une Olympiade d’été, seulement, elle n’aura pas lieu cette année. Le Comité olympique canadien a à nouveau démontré un véritable leadership. Ce faisant, il a permis à Bach de prendre la bonne décision et de reporter les Jeux. C’est le monde à l’envers où la décision est venue du bas, car les haut-placés étaient soit inconscients de ce qui passait autour d’eux ou simplement aveuglés par leur avarice.

National Post

Richard C. Powers est un professeur agrégé de la Rotman School of Management de l’Université de Toronto et président de Commonwealth Sport Canada.